Rêveries un peu brutales

Ce poème est paru dans le hors-série No 2 du Cafard hérétique le 22 juin 2018.

D’abord le vide

Interrompu de quelques formes étranges

De quelques mots

Une muselière sur un homme qui tend la main

Toujours ce vide

Puis de la chair généreuse et marquée

Des coups de pinceaux et des traits fins

Des visages aux yeux crevés

A l’expression naïve

Des voix par millier qui murmurent

Qui appelle frères et sœurs

Les visages de Linda Naeff

Mille fois répliqués

Puis le son du vent qui se faufile

Une nuit sans ciel étoilé

Heureusement il apparaît de la lumière enfin

Toujours ces visages mais plus sereins

 

Voilà que l’œuvre de Linda Naeff me revient

Elle a dit : « Peindre c’est aussi se taire, hurler sans bruit »

Elle a modelé des centaines de visages tordus, des clowns tristes

Des pingouins qui se font un câlin, une sorcière, un ivrogne tout cabossé

Dans des boîtes Ferrero Rocher

C’est qu’elle a été vendeuse de chocolat dans un grand magasin

Elle a dit aussi « Le bonheur, cette chose qui n’existe pas »

Tout comme ce que nous donne à voir Martin Disler

De l’exubérance brut, de la violence

Ces visages fantômes qui génèrent une sorte d’inquiétude

 

Puis je reviens sur un être dislérien

Son corps semble vouloir se resserrer,

Peut-être appuyer le front contre ses genoux

Pour une envolée dans les airs

Comme s’il veut partir

Fuir vers l’état initial

Tel un nouveau-né

En mouvement sans bouger

Il veut sortir de la réalité

Arrêter la fonction cérébrale

N’être rien pour un temps

Sans attente ni pression, sans faim ni besoin

Il veut tout oublier

Après tous ces désirs et ces tiraillements

Retrouver le monde à l’état premier

Il veut mourir, peut-être

Mais ne sait pas comment.